Notre génocide

Depuis octobre 2023, Israël a modifié sa politique à l’égard des Palestiniens. Son offensive militaire sur Gaza, qui dure depuis plus de 21 mois, s’est traduite par des massacres, tant directs que par la création de conditions de vie invivables, des dommages physiques ou mentaux graves infligés à l’ensemble de la population, la destruction des infrastructures de base dans toute la bande de Gaza et des déplacements forcés à grande échelle, le nettoyage ethnique s’ajoutant à la liste des objectifs officiels de la guerre. À cela s’ajoutent les arrestations massives et les mauvais traitements infligés aux Palestiniens dans les prisons israéliennes, qui sont devenues de véritables camps de torture, ainsi que la destruction du tissu social de Gaza, notamment des institutions éducatives et culturelles palestiniennes. Cette campagne constitue également une atteinte à l’identité palestinienne elle-même, à travers la destruction délibérée des camps de réfugiés et les tentatives visant à affaiblir l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA). L’examen de la politique d’Israël dans la bande de Gaza et de ses conséquences horribles, ainsi que les déclarations de hauts responsables politiques et militaires israéliens sur les objectifs de l’attaque, conduisent à la conclusion sans équivoque qu’Israël mène une action coordonnée et délibérée pour détruire la société palestinienne dans la bande de Gaza. En d’autres termes : Israël commet un génocide contre les Palestiniens dans la bande de Gaza. 
Le terme « génocide » désigne un phénomène socio-historique et politique impliquant des actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Tant sur le plan moral que juridique, le génocide ne peut être justifié en aucune circonstance, y compris comme acte d’autodéfense. Le génocide s’inscrit toujours dans un contexte: il existe des conditions qui le rendent possible, des événements déclencheurs et une idéologie directrice. Les attaques actuelles contre le peuple palestinien, y compris dans la bande de Gaza, doivent être comprises dans le contexte de plus de soixante-dix ans pendant lesquels Israël a imposé un régime violent et discriminatoire aux Palestiniens, prenant sa forme la plus extrême contre ceux qui vivent dans la bande de Gaza. Depuis la création de l’État d’Israël, le régime d’apartheid et d’occupation a institutionnalisé et systématiquement utilisé des mécanismes de contrôle violent, d’ingénierie démographique, de discrimination et de fragmentation de la collectivité palestinienne. Ce sont ces fondements posés par le régime qui ont permis de lancer une attaque génocidaire contre les Palestiniens immédiatement après l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023. L’assaut contre les Palestiniens à Gaza ne peut être dissocié de l’escalade de la violence infligée, à des degrés divers et sous différentes formes, aux Palestiniens vivant sous domination israélienne en Cisjordanie et en Israël. La violence et la destruction dans ces zones s’intensifient avec le temps, sans qu’aucun mécanisme national ou international efficace ne soit mis en place pour y mettre fin. Nous mettons en garde contre le danger clair et présent que le génocide ne reste pas confiné à la bande de Gaza et que les actions et la mentalité qui le sous-tendent puissent s’étendre à d’autres zones également. La reconnaissance du fait que le régime israélien commet un génocide dans la bande de Gaza et la profonde inquiétude quant à son extension à d’autres zones où les Palestiniens vivent sous domination israélienne exigent une action urgente et sans équivoque de la part de la société israélienne et de la communauté internationale, ainsi que le recours à tous les moyens disponibles en vertu du droit international pour mettre fin au génocide perpétré par Israël contre le peuple palestinien.

Rapport de B’Tselem: «Our genocide» - Traduction: AFPS